De lait et d’eau fraîche : comment on conserve l’eau sur une ferme laitière?

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Les producteurs de lait ne manquent pas d’idées pour préserver l’eau. Le Québec est d’ailleurs souvent cité à l’international pour son empreinte eau particulièrement basse. Et s’il y a encore du travail à faire, la plupart des producteurs ont déjà les deux mains dedans, explique l’ingénieur Stéphane Godbout, un expert en la matière.

Ce n’est pas un hasard si on vous parle de conservation d’eau. Économiser, réutiliser et protéger l’eau, c’est un des quatre piliers d’intervention identifiés par Les Producteurs de lait du Québec pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Pourquoi? Parce que la conservation de l’eau aide à préserver l’environnement et à assurer la durabilité de la ferme et de son lait. Oui, oui!

En plus d’être bénéfique pour l’environnement, une meilleure gestion de l’eau permet aux producteurs d’économiser sur d’autres choses comme l’électricité, les coûts liés au traitement de l’eau et le travail dans le traitement du fumier.

Le Québec, bon élève

Cumulant plus de 20 ans d’expérience en recherche et développement dans le domaine agroenvironnemental, Stéphane Godbout travaille aujourd’hui à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA). Dans le cadre de son emploi, il s’est beaucoup intéressé à la production alimentaire, plus précisément à la production laitière et porcine.

À force de parler avec des spécialistes d’ici et d’ailleurs, l’ingénieur a constaté que le secteur laitier québécois jouit d’une excellente réputation à l’international grâce à ses bonnes pratiques bien implantées. Le bilan québécois d’utilisation d’eau dans la production du lait, l’un des plus faibles à ce jour, est un exemple à suivre partout dans le monde.

La quantité d’eau requise pour produire un litre de lait au Québec (soit 10,2 L) a diminué de 12,5 % de 2011 à 2016, selon les plus récents chiffres disponibles. Ça équivaut à une douche de 72 secondes! En comparaison, il faut 14,1 L en Australie, 66,4 L aux Pays-Bas, 107 L en Afrique du Sud et 249,3 L en Nouvelle-Zélande.¹

La santé des vaches avant tout

Partant du fait qu’à l’étable, c’est la vache elle-même qui consomme le plus d’eau, autant pour boire que pour se rafraîchir par temps plus chaud, comment les producteurs de lait font-ils pour préserver l’eau? En diminuant le plus possible le gaspillage.

Difficile d’économiser sur l’eau qu’on donne à une vache, puisque tu ne veux pas priver ton animal d’eau. Cependant, on peut moins en gaspiller », explique Stéphane Godbout.

« Il y a un équilibre fragile entre la propreté, l’hygiène et le fait de vouloir économiser », ajoute l’ingénieur agroenvironnemental. Les petites actions qui profitent autant à la vache qu’à l’environnement sont les préférées des producteurs de lait.

Par exemple, plusieurs d’entre eux s’assurent d’avoir une température stable et bien réglée à l’étable. Ça permet d’éviter que la vache ait trop chaud ou trop froid. La bonne nouvelle? Il est plus facile de gérer la température au Québec puisqu’on a un climat assez frais en général si on le compare à celui d’autres régions dans le monde où le temps humide et chaud force les producteurs à redoubler d’efforts pour garder leurs vaches au frais. De cette façon, non seulement ils économisent en chauffage et climatisation, mais ils s’assurent aussi que la vache boit exactement la quantité d’eau dont elle a besoin².

Ce n’est pas la seule façon de limiter le gaspillage d’eau. Les vaches, un peu comme les humains, ont besoin de boire plus d’eau pour balancer une nourriture très salée ou trop protéinée. Pour éviter ça, les producteurs de lait s’assurent que leur nourriture ait un bon apport en protéines et en minéraux. Résultat : les vaches consomment la quantité d’eau optimale pour être confortables et en bonne santé.

Prendre le problème par les cornes

Les producteurs peuvent aussi travailler sur d’autres façons de surveiller leur consommation et conservation de l’eau à la ferme.

Instaurer des pratiques qui limitent le gaspillage, c’est facile. Il y a bien des choses qu’on peut faire tout de suite,» explique Stéphane Godbout.

Il poursuit : « En production porcine, nos travaux ont permis de constater que si on gère la pression et le débit de l’eau utilisée pour laver les planchers, on peut économiser jusqu’à 30 % d’eau. C’est un bon début! ». Une idée inspirante qui peut très bien s’intégrer à l’étable au même titre qu’à la porcherie.

En réparant un abreuvoir qui coule (qui évite ainsi les fuites d’eau!), en optimisant le lavage du plancher (laisse-t-on trop d’eau au sol?) ou en réutilisant l’eau de leur système de refroidissement, les producteurs sont non seulement plus efficaces, mais surtout plus écologiques.

« Ce sont des actions qui permettent des économies à long terme », confirme l’ingénieur.

Utiliser l’eau de pluie, une bonne idée?

C’est une question qui revient souvent chez les producteurs de lait du Québec : et si, pour économiser l’eau potable, les agriculteurs s’équipaient pour collecter l’eau de pluie?

« C’est une pratique qui se fait beaucoup en Europe pour l’irrigation des terres », confirme Stéphane Godbout. Cependant, il nous met en garde : l’eau de pluie, qui n’est pas limpide et dont le pH n’est pas équilibré, n’est pas bonne à boire pour les vaches et ne peut pas être utilisée pour nettoyer les équipements de transformation du lait.

Voilà pourquoi la pratique n’est (pour le moment) pas plus répandue que ça au Québec.

Limiter la pollution

Au-delà de la conservation de l’eau, il y a aussi sa protection. Les producteurs de lait en font d’ailleurs leur priorité. Comment? En protégeant les bandes riveraines. Au Québec, une bande riveraine de trois mètres près d’un cours d’eau (ou de 1 mètre près d’un fossé) est obligatoire.³

Ce sont des portions de terre qui servent à limiter les sédiments qui iraient se déverser dans les cours d’eau, comme le fumier et le lisier, et ainsi contaminer l’eau,» explique Stéphane Godbout.

Plusieurs producteurs qui ont à cœur la biodiversité ne s’arrêtent pas à ça. Ils aménagent des bandes riveraines élargies. Ils y plantent des fleurs sauvages, des arbustes et des arbres.

Ces pratiques contribuent à améliorer la qualité de l’eau qu’on retrouve dans les cours d’eau, à protéger la biodiversité… et à embellir leur propriété.

« Tous les efforts sont bons », conclut Stéphane Godbout. Ces efforts qui, rappelons-le, permettent aux producteurs de lait de produire un lait aussi bon pour le monde que pour la planète.

Consultez cette page pour en apprendre plus sur les autres piliers d’intervention des Producteurs de lait du Québec et les nombreuses actions posées pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050.

Sources :

  1. Groupe Agéco (2018). Consommation d’eau pour la production d’un kilogramme de lait, PDF. Récupéré de https://lait.org/wp-content/uploads/2019/04/CONSOM-EAU-FR.jpg
  2. Lactanet (2021). Utilisation de l’eau sur les fermes laitières canadiennes, PDF. Récupéré de https://lactanet.ca/wp-content/uploads/2021/09/Fiche-technique_Utilisation-de-leau-sur-les-fermes-laitieres-canadi.pdf
  3. Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (2021). Bande riveraine élargie : Un petit pas sur la largeur , un grand pas pour vos champs et vos cours d’eau. Récupéré le 7 novembre 2024 de https://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/Regions/centreduquebec/INPACQInfolettre/agroenvironnement/Pages/Banderiveraineelargie.aspx

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